Le projet
En cartographiant et analysant les flux de matières à l’échelle planétaire et de manière située, nous construirons et enseignerons de nouvelles perspectives sur ces flux de matière qui traversent nos modes d’existence et affectent notre relations à la Planète, ses écosystèmes et ses sociétés et nos relations aux autres.
La cartographie s’appuiera sur une forme du tableau périodique des éléments chimiques qui constitue une manière de comprendre les flux de matières.
En 1779 Antoine Lavoisier baptise l’élément “oxygène”. Son travail implique d’isoler les corps purs et ainsi parler d’ ”élément chimique”. Dans son ensemble, le travail de Lavoisier pose les bases de la chimie moderne avec les équations chimiques et la loi de conservation de la matière. Celles-ci reposent sur la mobilisation du concept d’élément chimique.
1869 : Année de naissance du Tableau Périodique des éléments chimiques de Grigori Mendeleev. Ce tableau arrive à ordonnancer les éléments chimiques selon la périodicité de certaines de leur propriétés physico-chimiques.
https://www.chemistryworld.com/features/the-father-of-the-periodic-table/3009828.article
La forme canonique du tableau périodique des éléments chimiques, ordonne tous les éléments par ordre croissant de poids : hydrogène (H), hélium (He), lithium (Li), béryllium (Be) ….
Sa forme si typique (mais une parmi beaucoup d’autres possibles) est en lien étroit avec la physique quantique qui conduit à des longueurs différentes des lignes.
Plusieurs d’autres façon d’arranger les éléments chimiques, d’autres « tableaux périodiques » existent (ex. cette archive).
Ici à «Eléments Terre » nous avons suivi un chemin parmi plusieurs représentations possibles : nous avons choisi celui qui nous permet d’inscrire de façon plus lisible, nous semble-t-il, les éléments chimiques dans le système Terre.
En 1976 W. F. Shehan publie un tableau périodique « avec emphase » où la taille de chaque case est proportionnelle à l’abondance de l’élément sur Terre.
“Periodic Table with Emphasis” W. F. Sheehan. Chemistry. 1976, 49, 17-18.
En 2015, l’institut de chimie verte de la société américaine de chimie donne visibilité au « Tableau Périodique des éléments en danger » développé par coumpound chem. Un code couleur met en avant des tensions de disponibilité éventuelle en croisant la quantité d’un élément sur Terre (à partir de son abondance) et son rythme d’utilisation actuelle pour des activités humaines.
En 2019, la société européenne de chimie Euchems combine les deux tableaux précédents et met à jour les données. Chaque élément chimique est dans une case dont la taille est proportionnelle à son abondance et dont la couleur signale sa disponibilité. S’ajoute un carré noir si la matière première dont est tiré l’élément provient d’une zone de conflit et une icone blanche si l’élément est présent dans un téléphone connecté.
https://www.euchems.eu/euchems-periodic-table/ (version 2019) (ici)
En 2020, la question « [Nos usages de cet élément] sont-ils soutenables? » s’ajoute aux questions initiales (« Combien il y a-t-il [de chaque élément] ? Est-ce suffisant [par rapport à nos usages à venir] ? ». Le carbone est le premier élément réanalysé à l’aune de ces questions: la mise à jour des couleurs souligne finitude des ressource fossiles et l’implication de guerre pour le contrôle des certaines de ces ressources.
https://theconversation.com/le-tableau-periodique-des-chimistes-se-confronte-aux-limites-du-systeme-terre-182526
En trois ans, trois nouvelles revues d’éléments ont lieu: le lithium (2021) – clé pour la transition énergétique- l’azote (2022) et le phosphore (2023) – clés en agriculture. Chaque fois, les revues conduisent à des mises à jour.
https://www.euchems.eu/euchems-periodic-table/ (version 2.0 2023)
En 2024, début du projet « Elements Terre», après la revue de carbone, lithium, phosphore et azote mentionnée plus haut, il y a encore 86 éléments naturels sur Terre qui n’ont pas été analysés à l’aune de ces trois questions : « Combien il y a-t-il ? Est-ce suffisant ? Est-ce soutenable? ».
Le projet « Eléments Terre » vise à fournir des données, et des mises à jours, pour répondre à ces trois questions autour des 90 éléments chimiques présents naturellement sur Terre.
Le projet « Elements Terre » vise à analyser, élément par élément, la situation actuelle (abondance, ressources actuelles, usage principaux, impacts environnementaux et sociaux) et la situation à venir (à partir de la même abondance : la disponibilité pressentie selon le scenario pris en considération pour les usages à venir et les impacts pressentis qui en découlent).
Le projet « Eléments Terre» essayera aussi de restituer les interdépendances entre éléments. Avec une attention spécifique vers les « symbioses » entre éléments nous essayons de retisser une partie des liens que toute catégorisation, telle que celle opérée dans les tableaux périodiques, coupe.
J. B Fressoz « Pour une histoire des symbioses énergétiques et matérielles » (2021) https://hal.science/hal-03101307
Plusieurs disciplines, dont la géographie, l’écologie, l’histoire, la chimie et les sciences de l’ingénieur.e sont nécessaire pour relier une description scientifique du monde en termes de flux d’éléments chimiques avec des effets de ces flux sur le monde. Le projet « Éléments terre » s’inscrit donc dans la lignée des appels à une unité des sciences qui traversent leur histoire depuis Diderot en passant par Husserl et combat l’hyperspécilization disciplinaire qui nuit à une compréhension des interdépendances complexes et systémiques du système Terre.
Un travail basé sur une catégorisation induit « la quantification du qualitatif, la formalisation de l’informel, la discrétisation du continu et la formalisation de l’abstrait, qui biaisent inévitablement » la description des observations [v. B. Fredman and H. Nissenbaum Bias in Computer Systems. ACM Trans. Inf. Syst. 1996, 14 (3), 330–347.]
« Quels biais ce travail “Éléments Terre” produit-il, puisqu’il il se base sur une catégorisation explicite avec les 90 cases du tableau périodique des éléments et des échelles d’impacts ? » est une des questions ouvertes qui prolonge vers la philosophie et l’épistémologie -“que pouvons-nous savoir et que ignore-t-on?”- ce travail autour des flux de matière et leurs impacts, actuels et pressentis, à l’échelle du système Terre.